Crise de la filiale en Allemagne et solutions juridiques

Publié le 05.06.25
La filiale allemande et les aspects juridiques
Crise de la filiale en Allemagne et solutions juridiques
La filiale allemande et les aspects juridiques

Quand la filiale vacille

Environ 4 500 entreprises française ont une filiale (société inscrite au registre du commerce) en Allemagne et chacune d’entre elle peut potentiellement faire face à des difficultés économiques. Dans ces moments, la relation entre la société mère et la filiale sera mise à rude épreuve, tant sur le plan logistique que financier et juridique. Surtout dans le système juridique allemand, il est primordial de prévoir toutes les éventualités : en anticipant, vous minimisez les risques. Protégez les actifs et stabilisez l’avenir de votre filiale allemand avant même que les problèmes empirent.

Depuis plus de 35 ans, nous accompagnons des société mères françaises dans le cadre de la restructuration juridique de leur filiale allemande – avec discrétion, pragmatisme et efficacité. Crise imminente ou mis en place d’une nouvelle stratégie : nous connaissons les pièges et les marge de manœuvres du droit allemand.

Contactez notre cabinet franco-allemand avant qu’il soit trop tard pour agir – nous élaborons une stratégie et trouverons des solutions adaptées pour sécuriser votre investissement en Allemagne.

Table des matières

Le début de la crise

Sous quelle forme une crise apparait-elle ?

La société mère française ne peut pas se contenter de créer une société en Allemagne et la laisser ensuite s’autogérer sans surveillance. Une attention permanente est requise pour repérer les signes d’une crise potentielle.

Une crise ne surgit pas du jour au lendemain. Elle apparait le plus souvent progressivement et discrètement. Ce sont des problèmes récurrents dans la vie de la filiale allemande qui vous mettrons en général la puce à l’oreille. En identifiant ces dysfonctionnements, vous améliorez la situation de votre filiale et vous évitez des répercussions sur la société mère française : pertes financières, réputation de la marque entachée et/ou risques juridiques hors de contrôle. Cette situation peut arrivez d’autant plus vite qu’il s’agit d’un environnement économique et d’un système de droit étrangers, comme ici en Allemagne. De petites erreurs stratégiques peuvent avoir de larges répercussions, même sur la société mère en France.

Les manifestation les plus courantes d’une crise

Diminution constante des commandes

Les commandes de clients baissent – un signe de positionnement sur le marché qui se dégrade ou de l’insatisfaction des clients.

Logistique désorganisée

Les procédures internes sont chaotiques, les délais ne sont plus respectés, les erreurs se multiplie dans le service client, ce qui peut à long terme affecter la relation avec les partenaires commerciaux.

Des besoins en liquidités non couverts

Les moyens financiers à disposition de la filiale ne sont plus suffisants pour assumer les couts fixes. La société doit retarde ou priorise des paiements ce qui brise la confiance des banques, des fournisseurs et des salariés.

Une situation de surendettement

Le montant des dettes dépasse celui des actifs de la société. Un bilan indiquant le surendettement est un red flag pour les partenaires commerciaux et ils s’abstiendront peut être de passer commander ou de proposer des financements.

Des retards de paiement

Des dettes fiscales, des dettes sociales, des factures de fournisseurs en souffrance sont tous des indicateurs d’un déséquilibre structurel. Ces situations sont préoccupantes parce qu’elles signifient potentiellement une cessation des paiements, ce qui peut provoquer le redressement judiciaire avec des enjeux pouvant s’avérer complexes pour la société mère.

Des conflits avec les partenaires

Les clients, les banque ou les fournisseurs imposent des termes, exigent des garanties ou initient des procédures judiciaires, ce qui peut également être le signe d’une confiance brisée.

Des problèmes récurrents avec les salariés sur place

Des démissions, des arrêts maladie ou même des grèves sont fréquents.

Perte du contrôle des opérations

Le management sur place est débordé ou instable. Les prises de décisions sont retardées et la mise en place d’un plan sur la stratégie opérationnelle est défaillante.

Communication défaillante avec la société mère en France

Les différents services au sein de la société mère font part du manque de réactivité ou d’un travail de mauvaise qualité de la part de la filiale allemande ou la direction française ne parvient pas à établir une relation de confiance avec l’équipe de la filiale allemande malgré des tentatives répétées.

Mauvaise image

Des rumeurs dans le secteur d’activité, une mauvaise presse ou des commentaires négatifs sur les réseaux sociaux renforcent l’impression de crise et ont un impact direct sur le positionnement sur le marché et la fidélisation du personnel.

Chacun de ces facteurs pris à part peut être traité, mais c’est le cumul de plusieurs facteurs simultanément peut mener à un point qui rend l’intervention de la société mère indispensable. Il est primordial d’agir le plus rapidement possible, pour préserver une marge de manœuvre.

Les facteurs qui provoquent la crise

Les facteurs susceptibles de provoquer une crise de la filiale allemande se jouent à plusieurs niveaux. En général, la cause de la crise ne dépend pas d’un seul facteur, mais est le cumul de points faible au sein de la structure et de contraintes externes.

Des facteurs sont typiquement :

Difficulté d’intégration sur le marché

Le modèle économique, la politique des prix ou le catalogue ne sont pas adaptés au contexte spécifique du marché allemand. La filiale perdra progressivement des clients et des parts du marché.

Mauvaise stratégie

Il peut arriver que l’implantation d’une filiale en Allemagne se révèle être un mauvais choix stratégique de la part de la société mère car le secteur d’activité n’est pas aussi porteur qu’escompté ou plus difficile à développer qu’en France et que donc les rendements attendus soient nettement inférieurs à ce qui était envisagé par la société mère française.

Supervision insuffisante par la société mère

Le groupe français ne dispose pas d’un reporting fiable sur l’évolution de la filiale, elle intervient trop tard ou accorde trop de marge de décisions à la direction sur place sans la contrôler.

La direction de la filiale est mal choisie ou bancale

Si la direction sur place n’a pas les compétences techniques ou linguistiques requises, n’est pas assez expérimentée en ressources humaines ou n’a pas les connaissances nécessaires en droit du travail allemand ou n’a pas une approche interculturelle, des mauvaises décisions seront prises et l’équipe perdra sa confiance dans la direction. Parfois, la filiale est dirigée à distance par la société mère en France, mais cette dernière n’a le pas temps et les connaissances nécessaire gérer le marché allemand.

Des challenges au niveau structurel

La croissance de la filiale est trop rapide, tandis que l’organisation interne de la filiale ne parvient pas à s’adapter à cette croissance. Ou alors il y a une mauvaise coordination des services internes de la filiale allemande et de la société-mère française, ce qui entraine des problèmes de qualité des produits et services. Par conséquent, les procédés sont inefficaces, les erreurs dans les commandes fréquentes et les clients insatisfaits. Il peut arriver que les réclamations des clients ne soient pas traitées efficacement, ce qui entraine des litiges onéreux.

Un budget mal calibré ou inexistant

Les apports en liquidités sont insuffisants, les coûts fixes sont trop élevés et la mise à disposition d’argent frais n’est pas accessible. Des difficultés de paiements en découlent.

Des obligations sociales et administratives violées

Des déclarations auprès des administration allemande (notamment auprès de la Sécurité Sociale ou du fisc) ont été oubliées ou sont erronées. Le droit du travail allemand et les obligations sociales de l’employeur découlant du droit social allemand sont en effet souvent une difficulté pour le groupe français mal conseillé.

Les facteurs externes

La filiale n’est pas préparée face aux fluctuations du marché, des évolutions géopolitiques ou des aléas conjoncturels. La situation devient particulièrement risquée lorsque des clients importants sont perdus ou que la chaîne d’approvisionnement est perturbée.

Les facteurs mentionnés ci-dessus se manifeste souvent simultanément et aggravent la situation.

La société mère ne doit pas se contenter de traiter les symptômes mais s’attaquer à la cause en identifiant les problèmes sous-jacents – de préférences avec une assistance locale qualifiée tant au plan opérationnel que juridique.

La restructuration de la filiale française est-elle nécessaire ?

Quel que soit le type de crise (souvent à plusieurs niveaux), certains évènements doivent inciter à réagir et à restructurer.

Quand restructurer la filiale française ?

Le BWA indique une évolution négative du résultat d’exploitation mensuel

La Betriebswirtschaftliche Auswertung (BWA) est un outil d’analyse comptable précieux pour suivre mois après mois l’évolution de l’activité de la filiale allemande. En France, il n’existe pas d’équivalent strictement identique du BWA tel qu’il est utilisé en Allemagne. L’expert-comptable allemand de la filiale le propose de manière standardisée, car les logiciels allemands en sont équipés.  

C’est un document établi chaque mois qui présente de manière synthétique les données comptables de la société.

Le BWA comprend des éléments tels que le chiffre d’affaires, les charges d’exploitation, le résultat d’exploitation, et d’autres indicateurs clés qui permettent de suivre l’évolution de la rentabilité de l’entreprise. Cela lui permet de corriger ses résultats si besoin, et ainsi éviter une dégradation trop importante de sa situation. 

Néanmoins, les opérations comptables qui sont enregistrées dans le BWA le sont selon les règles comptables allemandes, qui ne sont pas à 100% les mêmes qu’en France. Intégrer le BWA allemand dans une situation française consolidée suppose donc le plus souvent un retraitement.

Pour une société mère allemande disposant d’une filiale en France, la BWA joue un rôle crucial dans la gestion du groupe. Il lui permet notamment de :

  • Surveiller la performance financière de sa filiale en temps réel, ce qui permet de déceler précocement certaines anomalies et éviter de les laisser s’aggraver trop longtemps ;
  • Prendre des décisions éclairées quant aux investissements et financements ;
  • Assurer une communication transparente avec des banques et investisseurs, en leur fournissant des données fiables et actuelles.

Les créances disponibles ne couvriront bientôt plus les dettes exigibles

Ce signal est particulièrement alarmant dans les sociétés dont la capacité d’autofinancement est déjà faible.

Les créances exigibles, telles que des factures à régler par les clients par exemple, ne permettent pas d’assurer le règlement des charges courantes de la vie d’une société (loyer, fournisseurs etc).

Cela expose la filiale à des impayés pouvant engendrer des poursuites en paiement et ternir la réputation du groupe.

C’est dans ce contexte qu’il se révèle impératif pour la société mère de surveiller de près la situation de sa filiale avant que cette situation ne devienne irréversible et de tenir un tableau de bord des besoins hebdomadaires en liquidités. Le fait pour une société mère d’opérer un contrôle a priori de la gestion de sa filiale permet d’anticiper les éventuelles crises à venir et de mettre en place des correctifs. Cela peut notamment passer par une restructuration de la filiale sur le plan économique mais aussi stratégique, afin d’optimiser sa compétitivité sur le marché et redynamiser son activité.

Juridiquement, pour éviter l’ouverture d’une procédure collective (en Allemagne : Insolvenzverfahren), il est impératif d’éviter la cessation des paiements (en allemand : Zahlungsunfähigkeit). En effet, dès que le dirigeant constate cette cessation de paiement, il a l’obligation légale t déposer le bilan devant le tribunal de commerce allemand local, à défaut de quoi il est personnellement responsable. Et il devient alors trop tard pour éviter cette situation de perte de contrôle du destin de la filiale allemande.

Quand les dettes excèdent les actifs

Selon le droit allemand des procédures collectives, la situation de « Überschuldung » c’est-à-dire l’insolvabilité par excès de dettes au sens du § 19 Abs. 2 Satz 1 InsO peut à lui seul être un motif d’ouverture d’une procédure collective. En cas d’endettement excessif (Überschuldung), en principe, le représentant légal de la société doit également déclarer l’ouverture d’une procédure collective, sauf si la probabilité que l’activité de la société reprenne est proportionnellement objectivement élevée.

Par conséquent, la multiplication des crises, susceptible à terme, d’entraîner une accumulation de dettes doit inquiéter la société mère.

Bien sûr, cette situation se reflète dans les comptes annuels. Cela conduit les banques à refuser d’accorder des aides financières et les partenaires commerciaux peuvent prendre leurs distances.

Des aides financières sans résultats convaincants

Lorsque les aides financières accordées par la société mère française (convention de trésorerie, augmentation de capital, abandons de créances…) deviennent régulières sans que celles-ci ne permettent à la filiale allemande de rectifier sa situation, alors on entre dans un état de dépendance financière sans perspective pour la filiale.

De ce fait, il devient urgent de procéder à sa restructuration, afin qu’elle puisse retrouver son autonomie financière.

Quelles sont les mesures de restructuration ?

Lorsqu’il devient clair que la filiale s’enfonce dans la crise ou alors qu’elle ne pourra pas s’en extirper seule, la question sur les mesures de restructuration adaptées se pose. Le but n’est pas seulement la baisse des coûts à court terme mais de stabiliser la structure de manière pérenne, de sécuriser l’activité ou de bien préparer la liquidation s’il en venait là. Quelles sont les mesures adaptées dépend au cas par cas de la situation de la filiale, de la stratégie adoptée par la maison mère et de la marge de manœuvre que laisse le système judicaire allemand.

Les procédures juridiques de restructuration en Allemagne

Au-delà des mesures très classiques d’abandon de créance ou d’augmentation de capital (attention à la compensation de créances), l’Allemagne prévoit des procédures judiciaires de sauvegarde ou de redressement pour des sociétés en crise. Ces dispositifs sont réglementés par le texte allemand sur l’insolvabilité (InsO – Insolvenzordnung) et la loi pour la stabilisation et la restructuration des entreprises (StaRUG – Unternehmsstabilisierungs- und restrukturierungsgesetz)

  • Dans le cas d’une procédure de sauvegarde (Schutzschirmverfahren), les représentants légaux continuent de diriger la filiale sous le contrôle d’un administrateur judiciaire qu’il choisisse et en présentant un plan de redressement. Ce type de procédure de sauvegarde permet de mettre en place une restructuration à l’abri des actions des créanciers, ce qui permet en de ne pas provoquer la cessation de paiement. De cette manière la société a gagné du temps pour développer le plan de sauvegarde et maintenir l’activité.
  • Dans le cas où la filiale est en situation de cessation de paiement, une procédure de redressement judiciaire est ouverte. Le but est de maintenir en vie la société sous supervision d’un administrateur judiciaire nommé par un tribunal. La direction reste en place mais sera contrôlé. En principe, un plan de redressement judiciaire sera établi (Insolvenzverfahren in Eigenverwaltung).
  • Si le redressement de la société n’est plus envisageable, une procédure de liquidation judiciaire sera alors engagée. Dans ce cas, un liquidateur judiciaire vend les actifs restants de la société et reverses les gains aux créanciers. Cette procédure se termine par la liquidation et donc la radiation du registre du commerce et des sociétés de la société (Regelinsolvenzverfahren).
  • Il y a encore la possibilité d’opter pour un plan de restructuration, dans lequel la société choisira qui sera concernée par ce plan et leur soumet une proposition. Le plan de restructuration peut être vérifié et validé par un juge, mais ce n’est pas obligatoire. Dans le deuxième cas, le projet de restructuration doit être déclaré au tribunal (Restrukturierungsplan)

Les mesures pratiques à prendre par la filiale allemande

Au-delà des procédés formelles, plusieurs mesures très concrètes peuvent être mises en pratique pour contribuer à la restructuration. Celles-ci doivent être planifiées soigneusement et mis en place en coopération directe avec la société mère :

  • Des mesures au niveau des ressources humaines, tel que des licenciements, des restructurations ou la fermeture d’un site doivent être, s’ils sont nécessaires, mis en accord avec la législation allemande en droit du travail. Si un Betriebsrat (comité d’entreprise allemand pendant du CSE en France) existe, un plan social est établi régulièrement. En fonction du nombre des salariés par rapport au nombre des salariés licenciés, la société sera dans l’obligation de faire une annonce officielle de licenciement collectif (en Allemand : Massenentlassungsanzeige).
  • Les contrats avec les fournisseurs, les bailleurs ou les prestataires peuvent être renégociés ou adaptés afin de réduire les coûts fixes et de pouvoir être plus flexible au niveau de ces couts.
  • Le remplacement de la direction locale peut parfois être utile, pour insuffler une nouvelle dynamique et de regagner la confiance des salariés, des partenaires commerciaux et des créanciers
  • La ventes d’actifs non essentielle pour maintenir l’activité peut dégager des liquidités et aider à surmonter des difficultés ponctuelles
  • La digitalisation et l’optimisation du flux des process sont des mesures qui permettent un gain d’efficience à long terme et un nouveau positionnement

Les mesures à adopter par la société mère française

La société mère sera tenue d’accompagner la restructuration au niveau stratégique et juridique pour que le processus se déroule de manière efficace et sans risques :

  • La société mère peut mettre à disposition des financements internes, notamment dans le cadre du cash pooling, de prêts ou d’augmentations de capital social pour relancer la liquidité de la filiale. Un audit juridique est indispensable, afin d’écarter les risques de responsabilité pour la société mère. A titre d’exemple, la lettre de confort « simple » (qui est toujours externe) ne constitue qu’un simple engagement moral de la part de la société mère envers un créancier de sa filiale. Par cette lettre, la société mère assure le créancier du respect des engagements contractés par sa filiale. Si la lettre de confort n’a en principe aucune valeur contraignante, elle engage en revanche la réputation du groupe.
  • Il existe en droit allemand la lettre de confort dite « renforcée » (harte Patronatserklärung) qui engage juridiquement son auteur et qui constitue une garantie financière. Par cette lettre la société mère s’engage vis-à-vis des tiers au titre des dettes de la filiale. La lettre d’engagement stricte est une garantie de liquidité et de couverture des pertes et donc un instrument de financement et d’assainissement.
  • L’obligation pour la filiale allemande de déposer le bilan peut être neutralisée par la signature de la lettre de confort renforcée (externe ou interne). Si la société mère ne respecte pas ses obligations contractuelles, notamment les termes d‘une lettre de confort renforcée, et qu’elle ne remplit pas son obligation de faire exécuter le remboursement, elle doit verser des indemnités aux créanciers. Même si la société mère a fait exécuter le règlement de la dette, mais que le paiement versé au créancier par la filiale a dû être remboursé en raison d’une contestation de l’insolvabilité.
  • Reprendre le contrôle en révoquant le gérant de la filiale allemande et en mettant à sa tête un gérant de confiance du côté français ou un conseiller compétent sur place permets d‘éviter les erreurs opérationnelles et de créer plus de transparence.
  • Finalement, la communication en interne et la compliance au niveau du groupe doivent être revues afin d’éviter la remise en cause de la réputation et les erreurs dans la transmission des rapports.

Attention ! Les interventions de la société mère pour venir en aide à sa filiale sont assez complexes dans la mesure où il faut veiller à ne pas entrer dans la notion de gestion de fait. En effet, il est dans l’intérêt de la société mère de garder un œil sur la manière dont sa filiale gère son activité. Cependant, il est crucial que la société mère trouve le bon équilibre afin d’éviter d’être tenue responsable d’une gestion de fait.

Quelles sont les possibilités de sécurisation des actifs en cas de crise financière ?

Dès qu’une crise financière s’annonce au sein de la filiale allemande, la société mère en France se posera la question sur les possibilités de sécurisation des actifs avant que les créanciers, l’administrateur judiciaire ou les administrations publiques y aient accès. Il est conseillé d’être extrêmement vigilant à ce sujet : des actifs transférés dans le seul but d’échapper au paiement des créanciers, sont contestable juridiquement voir au niveau pénal que ce soit selon le droit allemand (ou français, d’ailleurs). Il existe néanmoins des marges de manœuvres afin d’anticiper et de minimiser les risques qui pourraient entrainer la responsabilité.

Un audit pour l‘analyse la santé financière

Résumé

Avant de prendre des mesures concrètes, la réalisation d’un audit approfondie permet de tracer une cartographie notamment sur les questions suivantes: Quels sont les actifs de la société (p.ex.: machines, immeubles, propriété intellectuelle, créances exigibles, licences de logiciels) ; Sont-ils liés à un prêt ou soumis à des obligations contractuelles ? Y a-t-il une dépendance au sein du groupe? Y a-t-il un risque que la responsabilité de la société mère puisse être engagée en cas d’insolvabilité, qui mettrait en péril les actifs de la société mère?

Recommandations

Un audit juridique approfondie est indispensable. S’il ressort de l’audit que certains actifs sont la propriété de la société mère, ils ne pourront pas être tout simplement transférés vers la France, mais il ne seront pas non plus accessibles au liquidateur judiciaire non plus.

Des conventions écrites en interne

Résumé

Souvent, les relations d’utilisation au sein du groupe, par exemple pour les marques ou les plateformes informatiques, n’existent qu’oralement ou sans base contractuelle précise. Cela peut s’avérer problématique en cas de crise.

Recommandations

La société mère doit rapidement mettre en place des contrats écrits pour les licences, les prêts ou les prestations de service à un afin de documenter ses droits. En revanche, d’un point de vue pénal, il n’est pas recommandé de les antidater.

Traitement défavorable des créanciers

Résumé

Des mesures comme le transfert d’actif, le remboursement anticipé de dettes envers au sein du groupe ou des modifications des contrat inhabituel ou des méthode de paiement précédent de peu l’ouverture de la procédure d’insolvabilité pourront être contester ultérieurement par le mandataire judiciaire.

Recommandations

Toute transaction envisagée doit être vérifier préalablement quant à sa validité, pour éviter des demandes de remboursement ultérieur et des poursuites pénales.

Transfert d’actifs stratégiques avant la cessation de paiement

Résumé

Dans certains cas, il est judicieux de transférer les actifs immatériels comme des marques ou des brevets précocement, c’est à dire avant la cessation de paiement, vers une autre société du même groupe, sous réserves que ce soit conforme au marché et d’être documenté.

Recommandations

Une telle mesure doit être justifié et justifiable et elle ne doit pas aller à l’encontre des intérêts de la filiale. Idéalement la justification sera attestée par un expert indépendant.

Faire valoir les réserves de propriété et les droits sur les actifs

Résumé

Si la société mère a livré des marchandises ou mis à disposition des actifs à la filiale, il s’agit de vérifier si des éventuelles clauses de réserves de propriété s’appliquent.

Recommandations

Si une clause de réserves (Eigentumsvorbehalt) existe, en droit allemand, des marchandises livrés peuvent être récupérées dans le cadre d’une action en revendication dans la procédure collective allemand (Aussonderung) ou un paiement préférentiel prélevé sur le bénéfice de la marchandise vendus peut être appliqué (Absonderung).

Leasing d’actifs (crédit-bail)

La société cède temporairement l’usage de tout ou partie de ses actifs à une société de financement tout en conservant la possibilité de les réutiliser, par le biais du leasing, pour son activité, voire de les racheter ultérieurement.

D’autres possibilités ? Devenir sous-traitant pour d’autres entreprises

Devenir sous-traitant pour une autre société permet de faire perdurer son activité tout en réduisant les couts fixes et les risques. Cette solution permet de limiter les pertes et d’éventuellement retrouver une situation financière saine qui lui permettra de reprendre son activité de manière autonome.

Quels sont les coûts induits par la restructuration ?

Lors d’une restructuration de la filiale, il est primordial de s’interroger sur les coûts d’une telle restructuration et en particulier en ce qui concerne les salariés. En effet, la réduction des effectifs peut représenter une part significative des coûts liés à la restructuration. En Allemagne la loi sur les licenciements (Kündigungsschutzgesetz – KSchG) prévoit le montant de l’indemnité de licenciement pour motif économique pour les salariés. Ce montant ne s’applique pas aux dirigeants sociaux. Le montant de l’indemnité varie selon le salaire du salarié et de son ancienneté. Le type de rupture du contrat par l’employeur n’affecte pas le calcul. En droit allemand, les motifs de licenciement sont cumulables. Par conséquent, il n’y aura pas forcément d’indemnité pour un licenciement économique si le salarié a été licencié pour d’autres motifs. Le droit allemand prévoit également qu’aucune indemnité de licenciement pour motif économique est prévu pour un employeur avec moins de 10 salariés.

Les couts liés à une procédure de licenciement collectif

Les couts du licenciement incluent :

  • Les indemnités de licenciement
  • Le versement de salaire pendant le préavis
  • Les indemnités de congés payés non pris
  • Les mesures prévues par le plan social, le cas échéant
  • Peu fréquemment, les frais d’une procédure judiciaire devant le conseil de prud’hommes, une transaction judiciaire qui est le cas le plus fréquent ne générant pas de couts de justice et en l’absence de transaction judiciaire, le salarié supportant seul ses frais d’avocat en première instance. 

Les couts en cas d’engagement de la responsabilité de la société mère

A ce titre, il convient de distinguer la situation dans laquelle la filiale risque d’entrer en procédure collective mais n’y est pas encore, et celle où elle fait déjà l’objet d’une telle procédure.

Avant l’ouverture d’une procédure collective (filiale in bonis)

a ) Sous-capitalisation et ajouts d’actifs ou omission de passifs

La sous-capitalisation chronique de la filiale relève de la responsabilité de la société mère en tant qu’associée, non plus du dirigeant social.

Une lettre de confort stricte ou alors une déclaration de dernier rang de la créance avec non exécution avant procédure collective (en allemand : Rangrücktrittserklärung mit vorinsolvenzlicher Durchsetzungssperre) dispensera de l’obligation de déposer le bilan de la société allemande. A défaut, le commissaire aux comptes peut refuser de certifier les comptes, ce qui expose directement la société mère vis-à-vis des créanciers.

 b) Soutien financier : entre légitimité et risque

Le financement d’une filiale in bonis est licite et souvent salutaire. Toutefois, si la situation économique est irrémédiablement compromise, ce soutien peut devenir problématique.

Un soutien prolongé peut créer une apparence de solvabilité trompeuse pour les tiers. Si cela induit une croyance légitime du créancier dans l’engagement de la société mère, sa responsabilité peut être engagée.

Pendant une procédure collective (procédure de sauvegarde, procédure de redressement ou liquidation)

Responsabilité civile de la société mère

En droit allemand, la législation applicable concernant la responsabilité de la société mère dépend de la forme juridique de la filiale. Le résume qui suit est donc à comprendre à titre d’exemple et ne s’applique pas à toutes les formes de sociétés.

En principe, la société mère n’engage pas sa responsabilité pour sa filiale. En règle générale, pour les sociétés de capitaux et à responsabilité limitée, la responsabilité est limitée au montant du capital de la société.

Par exception, la responsabilité de la société mère peut être engagée dans les cas suivants :

a) Responsabilité au titre de la gestion de fait (faktische Geschäftsführung)

Les représentants légaux de la société mère peuvent être qualifiés de dirigeants de fait, et ils pourront voir leur responsabilité engagée à l’instar d’un gérant. Pour une GmbH l’article 64 du GmbHG s’applique. Il ne suffit pas que les représentants légaux exercent un pouvoir classique de directive sur le gérant de la filiale en interne. Il y’aura une qualification de gestion de fait, qui engagera leur responsabilité, si les représentants légaux accomplissent eux-mêmes, de manière objectivement identifiable pour des personnes externe, des actes qui normalement ressortent de la responsabilité du gérant. En outre, la société mère est elle-même responsable si elle ne compense pas un avantage qui lui a été accordé.

b) Prise de contrôle de la filiale (Beherrschung)

Les représentants légaux de la société mère peuvent engager leur responsabilité, lorsqu’ils contrôlent la filiale, dans le cas d’un contrat de domination ou d’un contrat de transfert des bénéfices. La société dominante peut donner des consignes qui engagent la filiale qui seraient désavantageux pour elle. Les représentants légaux de la société mère sont tenus d’avoir la diligence d’un dirigeant responsable et de bonne foi. Si la filiale est en cessation de paiement, l’administrateur judiciaire peut demander une indemnisation par les représentants légaux. Les articles 308 et 309 de loi allemande sur les actions (Aktiengesetz – AktG) précises les termes de la responsabilité civile dans ces cas.

c) Responabilité engagée pour l‘enrichissement injustifié (Haftung aus ungerechtfertigter Bereicherung)

En contestant l’insolvabilité, l’administrateur judiciaire peut réclamer le remboursement de paiements effectués par la filiale à la société mère, malgré la cessation de paiement. La contestation de l’insolvabilité est détaillée dans les articles 129 et suivants de la loi Allemande sur l’insolvabilité (InsolvenzOrdnung – InsO).

d) Responsabilité engagée par le fait de l’apparence (Rechtsscheinhaftung)

La responsabilité engagée par l’apparence s’applique uniquement si aucune base pour la responsabilité contractuelle ou délictuelle existe. Il s’agit dans ce cas, des personnes qui ont donné vers extérieur l’apparence de représentants légaux de la société. Ce principe de responsabilité vise les sociétés anonymes (en allemand : Aktiengesellschaft). Les membres du conseil d’administration en apparence engagent leur responsabilité sans pourvoir de représentation.

Françoise Berton, avocat en droit allemand

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Photo: Gopixa

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