Indemnités en cas de rupture conventionnelle
07.11.22

Le recours à la procédure de rupture conventionnelle individuelle des contrats à durée indéterminée a explosé ces dernières années, contribuant à réduire le volume de litiges devant les conseils de prud’hommes. Les raisons du recours à cette procédure sont multiples : souhait de l’employeur de se séparer d’un salarié à l’amiable, perte de motivation du salarié voulant éviter la démission, etc.
Mais, à la différence du droit allemand, le droit du travail français prévoit le versement d’une indemnité appelée « indemnité spécifique de rupture conventionnelle », qui génère donc un coût pour l’employeur. La fixation du montant de l’indemnité de rupture conventionnelle nécessite une attention particulière pour les raisons suivantes :
- si les parties ne trouvent pas d’accord sur ce point, la rupture conventionnelle n’est plus envisageable ;
- l’employeur doit calculer correctement le montant minimal de l’indemnité de rupture conventionnelle, à défaut de quoi l’accord entre lui et le salarié ne sera pas valable. Cette « prime de départ » ne peut donc pas être improvisée.
Rappel du dispositif de « rupture conventionnelle individuelle » en droit du travail
Créée par la loi du 25 juin 2008 portant sur la modernisation du marché du travail, la rupture conventionnelle du contrat de travail est une procédure par laquelle l’employeur et le salarié conviennent d’un commun accord de la rupture du contrat de travail à durée indéterminée qui les lie. La conclusion d’une rupture conventionnelle nécessite le consentement des deux parties, qui négocient les conditions de la rupture à travers un ou plusieurs entretiens.
Les règles légales imposent un contenu et un formalisme assez contraignants, obligeant notamment les parties à matérialiser leur accord par un écrit sous la forme d’un formulaire spécifique, à tenir compte des délais de rétractation et d’homologation par l’administration du travail, ainsi qu’à fixer le montant de l’indemnité spécifique de rupture.
L’indemnité spécifique de rupture, contrepartie obligatoire de la rupture conventionnelle
La rupture conventionnelle ouvre droit, au profit du salarié, à une « indemnité spécifique » qui est une indemnité de fin de contrat et dont le montant ne peut être inférieur à celui de l’indemnité légale de licenciement ou à l’indemnité conventionnelle de licenciement si celle-ci est supérieure. Pour rappel, ce montant est déterminé en fonction de l’ancienneté et de la rémunération du salarié. Le montant de l’indemnité spécifique ne constituant qu’un minimum, les parties sont libres de négocier un montant plus élevé.
Il convient de respecter le montant minimum de l’indemnité spécifique car, à défaut, soit l’administration du travail refusera d’homologuer la rupture lors de son contrôle, soit le salarié pourra revendiquer le versement du différentiel devant un conseil de prud’hommes.
En outre, il s’agit de tenir compte du régime fiscal et social de l’indemnité de rupture conventionnelle lors des négociations avec le salarié car ceux-ci peuvent avoir un impact non négligeable sur le montant que l’employeur devra débourser et que le salarié percevra.
Pour rappel, les indemnités habituelles de fin de contrat telles que l’indemnité compensatrice de congés payés ou l’indemnité compensatrice de préavis sont également à verser, en plus de l’indemnité de rupture conventionnelle.
Le régime fiscal de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle
Tout comme les indemnités de licenciement, l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle est exonérée de l’impôt sur le revenu dans la limite la plus élevée entre :
- le montant de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ;
- 2 fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l’année civile précédant la rupture de son contrat de travail ;
- la moitié du montant total des indemnités versées (cela inclut notamment l’indemnité de rupture conventionnelle et une éventuelle indemnité transactionnelle).
Ces deux derniers montants (double de la rémunération annuelle et 50 % des indemnités versées) sont exonérés à condition qu’ils n’excèdent pas 6 fois le plafond annuel de la Sécurité sociale (PASS), soit 246 816 euros en 2022. Au-delà de cette limite, les sommes versées seront imposables dès le premier euro. Néanmoins, si le salarié est en droit de percevoir une pension de retraite d’un régime obligatoire, l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle est totalement imposable.
Le régime social de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle
Le régime social de l’indemnité de rupture conventionnelle est relativement complexe car il diffère selon qu’il s’agisse :
- des cotisations sociales ;
- de la CSG/CRDS, qui sont aussi des contributions sociales prélevées sur les revenus d’activité du salarié ;
- du forfait social, contribution à la charge de l’employeur prélevée sur les rémunérations exonérées de cotisations de Sécurité sociale mais assujetties à la contribution sociale généralisée (CSG).
En outre, il convient de différencier selon que le salarié puisse ou non bénéficier d’une pension de retraite, sur la base d’un taux plein ou non.
Indemnité spécifique de rupture et cotisations sociales
Si le salarié n’a pas atteint l’âge à partir duquel il peut bénéficier d’une pension de retraite, l’indemnité de rupture conventionnelle bénéficie de l’exonération prévue pour les indemnités de licenciement. Pour rappel, l’indemnité versée est exclue de l’assiette de cotisations de Sécurité sociale dans la limite la plus élevée entre les deux plafonds suivants :
- la part exonérée de cotisations sociales ne doit tout d’abord pas dépasser 2 fois le PASS (soit 82 272 euros en 2022) ;
- la part exonérée de cotisations sociales ne doit également pas dépasser la part exonérée d’impôt sur le revenu.
Au-delà de ces limites, l’indemnité de rupture est soumise à cotisations sociales pour sa partie excédentaire. Si le montant des indemnités versées est supérieur à 10 fois le montant du PASS (411 360 euros en 2022), les sommes en cause sont assujetties, dès le 1er euro, aux cotisations de sécurité sociale.
Lorsque le salarié a atteint l’âge à partir duquel il peut faire liquider sa pension de retraite, l’indemnité de rupture est soumise aux cotisations de Sécurité sociale.
Indemnité spécifique de rupture et CSG / CRDS
Si le salarié n’est pas en droit de bénéficier d’une pension de retraite de base, l’indemnité de rupture conventionnelle est exonérée de CSG et de CRDS pour sa part n’excédant pas le montant prévu par la Convention collective de branche applicable ou, à défaut, par la loi et, en tout état de cause, dans la limite de deux fois le PASS.
S’agissant de la part excédentaire, la CSG et la CRDS sont dues sur cette partie exonérée de cotisations sociales. Cependant, lorsque le montant de l’indemnité est supérieur à dix fois le PASS, l’indemnité est soumise dès le 1er euro à la CSG et à la CRDS.
Pour les salariés en droit de bénéficier d’une pension de retraite, l’indemnité de rupture conventionnelle est intégralement soumise à la CSG et à la CRDS.
Indemnité spécifique de rupture et forfait social
Les indemnités de rupture conventionnelles sont soumises au forfait social de 20% du premier euro jusqu’à deux fois le PASS, ce qui correspond :
- à la part exclue de l’assiette de cotisations et soumise à la CSG/CRDS (au-dessus du plafond légal ou conventionnel et dans la limite de deux fois le PASS) ;
- à la part exclue de l’assiette des cotisations et de l’assiette de la CSG (montant légal ou conventionnel).
Il s’agit d’une contribution qui est exclusivement patronale. Elle est due uniquement lorsque l’indemnité de rupture conventionnelle est versée à un salarié qui n’est pas en droit de bénéficier d’un régime de pension de retraite de base. Les indemnités de rupture conventionnelle versées aux salariés en droit de bénéficier d’une pension de vieillesse sont intégralement soumises à cotisations et contributions sociales. De fait, elles ne sont pas soumises au forfait social.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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