La convention tripartite en droit français des affaires

27.09.17  
Contrat avec trois personnes
La convention tripartite en droit français des affaires
Contrat avec trois personnes

Qu’est-ce qu’une convention tripartite ?

On utilise régulièrement dans la pratique juridique le terme de « convention tripartite ». Mais que recouvre ce terme ? Correspond-il à une définition consacrée par des textes ?

Aucun texte légal, aucune décision jurisprudentielle ne sont venus donner une définition de cette pratique en technique contractuelle. On peut simplement dire que ce qui caractérise la convention tripartite, c’est le fait qu’il s’agit d’un contrat qui fait intervenir et qui lie juridiquement trois parties : la convention tripartite produit des effets à l’égard de chacun des trois cocontractants.

Dans la mesure où il n’existe dans notre système juridique aucune définition générale de la convention tripartite, de ses conditions d’application et de ses effets, nous ne pouvons que nous limiter à identifier certaines conventions tripartites issues de la loi ou simplement de la pratique.

L’accord tripartite entre employeurs successifs et le salarié

Une pratique dans les groupes de société consiste parfois, lors d’une mutation de salarié d’une société du groupe vers une autre société du même groupe, à conclure entre ces deux sociétés et le salarié muté un accord. Cet accord prévoit le plus souvent que le contrat de travail qui était en cours dans la première société est rompu et laisse place à une nouvelle relation de travail avec la seconde société. Le salarié intervient à l’acte avec ses deux employeurs successifs pour marquer son accord sur le transfert du contrat de travail.

Cet accord tripartite, s’il est bien rédigé, peut permettre de transcender les relations bilatérales entre

  • d’un côté l’ancien employeur et le salarié (avec la résiliation du contrat de travail) et
  • d’un autre côté le nouvel employeur et le salarié (avec la conclusion d’un nouveau contrat de travail). La jurisprudence a récemment consacré cette pratique, néanmoins sous un certain nombre de réserves à prendre en considération.
  • La convention de stage entre stagiaire, entreprise d’accueil et organisme de formation

    Dans ce cas, il n’agit plus comme dans la mutation intergroupe d’une pratique consacrée par les juges mais d’une obligation légale de faire intervenir au même contrat trois parties dans le cas précis d’un stage en entreprise. La convention de stage fait partie des contrats qui peuvent être qualifiés comme étant « naturellement » tripartites.

    En effet, la convention de stage réunit trois parties :

    • le stagiaire,
    • l’établissement d’enseignement et
    • l’organisme d’accueil.

    Cette obligation de réunir trois parties au contrat résulte de l’article L.124-1 du code de l’éducation. Dès lors que le stagiaire n’est ni en période de formation professionnelle et ni en stage d’observation durant la scolarité obligatoire, il s’agit d’un stage devant donner lieu à l’établissement d’une convention de stage dans laquelle les trois parties doivent donner leurs consentements aux fins de conclure le contrat de stage.

    La convention de stage est mise à disposition par l’établissement d’enseignement supérieur et elle prévoit les modalités d’accomplissement du stage, tels que l’objectif du stage pour l’élève, les horaires, la rémunération. L’objectif poursuivi est de permettre à l’élève de bénéficier d’un apport pour son expérience, tout en s’insérant dans l’organisation de l’entreprise.

    La cession de dettes du nouvel article 1327 du code civil peut être une convention tripartite

    La cession de la dette, devenue possible grâce à la réforme du droit des contrats entrée en vigueur en 2016, fait intervenir obligatoirement selon l’article 1327 du code civil non seulement l’ancien et le nouveau débiteur mais aussi le créancier. L’article 1327 stipule qu’ « un débiteur peut, avec l’accord du créancier, céder sa dette« .

    Le créancier devant intervenir à l’acte de cession de dette, on peut considérer qu’il y a un accord tripartite au sens large, et de source légale. Toutefois, la cession de dette n’est pas nécessairement une convention tripartite, puisque le créancier peut donner son approbation a posteriori, une fois que la cession est opérée. Il sera alors tiers au contrat.

    Le caractère tripartite de la cession de dette tend à permettre de donner plus de sécurité au créancier, qui peut vérifier la solvabilité de la personne à qui la dette est cédée. Par ailleurs, elle assure aussi plus de clarté pour chacune des parties si l’approbation est donnée en amont ou au moment de la conclusion du contrat, lui conférant une forme tripartite, plutôt qu’a posteriori.

    Le contrat de transport routier interne de marchandises fait intervenir trois parties

    Selon la loi, le contrat de transport est un contrat conclu entre trois personnes: l’expéditeur, le transporteur et le destinataire de la marchandise.

    La nature tripartite de ce type de contrat a longtemps fait l’objet de débats. En effet, le destinataire est absent au moment de la conclusion du contrat. C’est la jurisprudence et ensuite la loi qui ont estimé que, même dans ces conditions, le destinataire est partie au contrat. Le juge a considéré que dès lors que le destinataire adhère au contrat de transport, celui-ci devient partie au contrat.

    La conséquence de l’appréciation tripartite du contrat est que les clauses contractuelles lui sont opposables et qu’il peut faire valoir des clauses contractuelles vis-à-vis de l’expéditeur et du transporteur.

    Le contrat de crédit-bail est tripartite

    Le crédit-bail est un contrat réunissant au moins deux personnes: le crédit bailleur qui met un bien à disposition d’une autre personne, appelée crédit-preneur, et ce dernier. Le crédit-preneur devient propriétaire du bien à l’échéance du contrat, s’il opte pour l’achat.

    Parfois, le contrat de crédit-bail réunit trois cocontractants, notamment lorsqu’une collectivité territoriale est partie au contrat.

    Le crédit-bail tripartite concernera généralement l’exploitation de service public de restauration scolaire ou municipale. La convention réunit alors en tant que cocontractant la collectivité territoriale, une société privée d’exploitation d’un service public (telle que le service de restauration) et une société de crédit-bail immobilier. La collectivité territoriale met à disposition d’une société privée l’exploitation de service public comportant une occupation du domaine public.

    Le contrat d’assurance-vie est-il vraiment une convention tripartite ?

    Le contrat d’assurance vie est un contrat qui réunit trois cocontractants :

    • le souscripteur (qui est souvent aussi l’assuré): il verse les primes à l’assureur et supporte les risques inhérents au contrat,
    • l’assureur: il reçoit les primes versées et les conserve jusqu’à la réalisation du risque pesant sur l’assuré,
    • le bénéficiaire: il reçoit les prestations financière qui ont été prévue par le contrat une fois le risque réalisé. Néanmoins, ce dernier ne contracte aucune obligation juridique, ce qui permet de douter de la qualification de contrat tripartite.

    Dans l’attente d’une définition juridique claire de la convention tripartite

    On peut donc s’interroger sur la définition juridique du contrat tripartite : est-ce forcément un contrat réunissant trois parties qui contractent toutes des obligations ou bien peut-on faire entrer dans cette catégorie les contrats qui font intervenir trois personnes différentes, sans nécessairement créer une ou plusieurs obligations à la charge de chacune d’entre elles (ex. contrat d’assurance-vie) ? La question reste ouverte, puisque le législateur n’a jamais consacré la pratique par une définition. Il est à préciser que la réforme du droit des obligations de 2016 n’a pas mis fin à cette incertitude.

    Françoise Berton, avocat en droit allemand

    Tous droits de propriété intellectuelle réservés

    Photo: peshkov

    6 réponses à « La convention tripartite en droit français des affaires »

  • Y-a-t’il un délai de rétractation (par exemple pour l’employé ) suite à la signature d’une convention pour transfert de société ?
    Merci à l’avance pour votre réponse .

    • La loi n’encadre pas les délais de rétractation pour les conventions tripartites. Cela dépend en principe des dispositions du contrat qui peuvent prévoir un délai spécifique de rétractation.

      Néanmoins, cette indication reste très générale et peut s’avérer fausse en raison des particularités de faits concrets. Notre réponse n’a pas valeur de consultation mais éclaire simplement notre article.

    • La plupart des conventions tripartites requièrent un accord et donc une signature des trois parties pour exister. Il existe des cas rares où la signature n’est qu’une confirmation formelle d’un mécanisme légale et donc la signature n’est pas essentielle (https://www.berton-associes.fr/blog/droit-du-travail/transfert-contrat-de-travail/).

      Néanmoins, cette indication reste très générale et peut s’avérer fausse en raison des particularités de faits concrets. Notre réponse n’a pas valeur de consultation mais éclaire simplement notre article.

  • Question : La date de signature des trois parties doit elle être identique dans un contrat tripartite en France ?
    Par exemple: si une des parties signe le 25 mars 2021, une autre le
    20 août 2021 et la dernière le 25 août 2021, le contrat est il valable ?
    Le premier contractant a signé 5 mois avant les 2 autres qui ont, quant à eux, signés avec 5 jours d’écart !
    Y a t’il un délai maximum légal entre les 3 signatures ?

    • La loi n’encadre pas le délai de signature des conventions tripartites sauf dans quelques cas spécifiques (par exemple en cas de convention tripartite signée dans le cadre d’un congé de bilan de compétentes où le salarié doit signer dans les 10 jours). Autrement, cela dépend des dispositions du contrat qui peuvent prévoir qu’à compter de telle date, si toutes les parties n’ont pas signé, le contrat est réputé n’avoir jamais existé.

      La convention est réputée signée à la dernière des dates de signature.

      Néanmoins, cette indication reste très générale et peut s’avérer fausse en raison des particularités de faits concrets. Notre réponse n’a pas valeur de consultation mais éclaire simplement notre article.

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