L’abandon volontaire de poste est une démission du salarié
27.01.23

La loi portant sur les mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi du 21 décembre 2022 a instauré un nouvel article dans le Code du travail, prévoyant une présomption de démission en cas d’abandon volontaire de poste par le salarié.
Définition de l’abandon volontaire de poste
Il y a abandon de poste lorsque le salarié ne se présente pas sur son lieu de travail sans prévenir son employeur ni avoir reçu l’autorisation de s’absenter.
Lutte contre la pratique de l’abandon de poste pour avoir le chômage
L’objectif de cette nouvelle règle en droit du travail est d’éviter des perturbations dans l’entreprise résultant des abandons de poste qui sont devenus une pratique relativement courante. En effet, le salarié ne peut pas bénéficier des allocations de chômage s’il souhaite quitter l’entreprise sans avoir un nouvel emploi immédiatement après.
L’abandon de poste va avoir pour conséquence de :
- conduire l’employeur à prendre l’initiative d’engager une procédure de licenciement et ainsi
- permettre au salarié de bénéficier de l’aide chômage.
Par ailleurs, pour le législateur, il était injuste qu’un salarié licencié pour abandon volontaire de poste ait une situation plus favorable en matière de chômage par rapport à un salarié qui a démissionné et n’a donc pas droit aux allocations chômage.
La règle de la présomption de l’abandon de poste valant démission
L’article L. 1237-1-1 du Code du travail dispose désormais que « le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l’employeur, est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai ».
La Cour de cassation considère depuis longtemps que l’abandon de poste ne caractérise pas une démission en l’absence d’une volonté claire et non équivoque de rompre le contrat de travail. Ainsi, en cas d’abandon de poste, c’est à l’employeur de licencier le salarié qui peut ensuite prétendre aux allocations chômage.
La nouvelle disposition légale vient à l’encontre de cette jurisprudence constante qui risque de créer de nombreux contentieux devant les juridictions prud’hommales. Le nouvel article de loi instaure en effet une présomption simple de démission lorsque l’abandon de poste est volontaire et n’est pas lié à un comportement fautif de l’employeur. Cette présomption peut donc être renversée par une preuve contraire apportée par le salarié.
Procédure spécifique pour appliquer la présomption de démission
Afin d’appliquer la présomption, l’employeur doit suivre une procédure spécifique :
- Il doit mettre en demeure le salarié ayant abandonné son poste de justifier de son absence et de reprendre son poste dans un délai fixé par l’employeur ;
- Un décret viendra préciser un délai minimum (A noter : La présomption de démission ne peut pas encore être appliquée puisque le délai n’a pas encore été fixé par décret) ;
- La mise en demeure peut être envoyée par lettre recommandée ou remise en main propre contre décharge ;
- Si le salarié ne justifie pas son absence dans le délai imparti, il est présumé démissionnaire ;
- La date d’expiration du délai fixé par l’employeur pour que le salarié justifie son absence constitue la date de début du préavis de démission ;
- A l’inverse, si le salarié répond en reprenant son travail ou en justifiant de son absence, la présomption de démission ne s’applique pas.
Pas de présomption de démission en cas de faute de l’employeur
Il est important de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, cette présomption de démission ne peut pas jouer si l’abandon de poste est justifié par un motif légitime, comme par exemple :
- une raison médicale,
- l’exercice du droit de grève,
- l’exercice du droit de retrait,
- le refus du salarié d’exercer une tâche contraire aux lois ou
- le refus d’une modification unilatérale d’un élément essentiel du contrat.
Recours du salarié contre l’abandon de poste égal à une démission
Puisqu’il s’agit d’une présomption simple, le salarié peut la renverser en saisissant directement le bureau de jugement du Conseil de prud’hommes qui devra se prononcer dans un délai d’1 mois sur la nature de la rupture et ses conséquences.
Si le salarié n’arrive pas à renverser cette présomption, il est privé des allocations chômage.
Dispositif de la présomption validé par la Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel a considéré que cette présomption était conforme à la Constitution pour plusieurs raisons :
- Il s’agit d’une présomption simple que le salarié peut renverser ;
- Une procédure de recours rapide est prévue ;
- La présomption ne s’applique qu’après mise en demeure par l’employeur ;
- La présomption ne s’applique pas en cas de faute de l’employeur.
Pour des conseils en droit du travail, nos avocats peuvent accompagner et défendre l’employeur ou le salarié dans toutes les situations d’abandon de poste.
Quels sont mes droits si je fais un abandon de poste ?
L’abandon de poste fait présumer la démission par le salarié. Cela le prive des allocations chômage. Mais, cette présomption peut être renversée notamment si le salarié prouve que l’abandon de poste résulte d’une faute de l’employeur.
Quel est le mieux démissionner ou abandon de poste ?
Avec une démission, le salarié est définitivement privé de l’allocation chômage. Avec l’abandon de poste, il y a une présomption légale de démission mais il existe des cas où le salarié peut quand même toucher le chômage.
Quels sont les avantages d’un abandon de poste ?
Il y a moins d’avantages avec l’abandon de poste depuis une loi qui prévoit que c’est comme une démission. Mais il existe encore des exceptions qui ouvrent les droits à allocation chômage, comme la faute prouvée de l’employeur.
Quel est le délai d’un abandon de poste ?
Si l’employeur respecte une procédure spécifique, l’abandon de poste vaudra présomption de démission si le salarié ne justifie pas son absence dans un délai imparti. Ce délai n’est pas encore connu car il doit encore être fixé par décret.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
Tous droits de propriété intellectuelle réservés
Photo: David