Reprise de la grille des salaires par le repreneur d’une entreprise allemande?

13.07.15  
Achat d'une clinique et reprise de la grille salariale
Reprise de la grille des salaires par le repreneur d’une entreprise allemande?
Achat d'une clinique et reprise de la grille salariale

L’ancienne grille de salaires conventionnelle allemande « TV-L » (convention collective du service public des Etats fédérés allemands) reste applicable à l’infirmier salarié d’une clinique, même après la cession de cette clinique par le jeu du renvoi dynamique d’une clause du contrat de travail de référence à la convention TV-L en droit du travail allemand.

Cession d’entreprise en Allemagne et clause dans le contrat de travail sur l’application d’une convention collective

Un infirmier non syndiqué a été embauché par une clinique fédérale de Berlin-Brandebourg le 14 août 2001. Le contrat de travail contenait une clause qui renvoyait à la grille des salaires de la convention « TV-L ».

Cependant, lors de la privatisation des cliniques fédérales, la clinique a fait l’objet d’une cession d’entreprise le 15 octobre 2006. Le 5 mars 2013, l’acquéreur a conclu ses propres accords collectifs avec le syndicat allemand „Ver.di“ et a commencé à payer à l’infirmier un salaire selon cette nouvelle grille salariale interne. Par conséquent, l’infirmier recevait un salaire mensuel nettement moins élevé qu’auparavant.

Demande de paiement du salaire selon l’ancienne grille des salaires indépendamment de la cession d’entreprise

L’infirmier a assigné en justice l’acquéreur de la clinique. Il a demandé au Conseil de Prud’hommes allemand (Arbeitsgericht) de Brandebourg de constater que la convention collective allemande TV-L lui reste applicable. Il a obtenu gain de cause en première instance.

L’acquéreur de la clinique a fait appel. Il a argumenté que la clause de référence aux conventions collectives dans le contrat de travail visait aussi les nouveaux accords collectifs conclus entre l’acquéreur et le syndicat allemand „Ver.di“. Selon l’acquéreur, il existerait une concurrence entre l’ancienne et la nouvelle grille des salaires interne, la dernière s’imposant à la première.

Le Tribunal supérieur du Travail allemand (Landesarbeitsgericht) de Berlin-Brandebourg n’a pas suivi l’argumentation de la clinique. Il a jugé le 3 décembre 2014, comme le Conseil de Prud’hommes allemand, en faveur de l’infirmier. Selon le Landesarbeitsgericht de Berlin-Brandebourg, les nouveaux accords collectifs portant sur la grille interne des salaires ne font pas partie du contrat de travail du salarié allemand dont le contrat a été transféré. Le contrat de travail est exclusivement régi par l’accord collectif allemand „TV-L“.

Compatibilité de la décision de justice allemande sur la primauté de la convention collective avec le droit européen ?

Grille des salaires et reprise de convention collectiveLe Tribunal supérieur du Travail allemand s’est également posé la question de la compatibilité avec le droit européen. En effet, la Cour de justice de L’Union européenne (CJUE) a décidé le 8 juillet 2013, en répondant à une question préjudicielle posée par la Supreme Court du Royaume-Uni, que la directive 2001/23 sur la protection des intérêts de l’acquéreur lors de la cession d’entreprise doit être interprétée de manière à ce que les clauses de référence ne soient pas opposables à l’acquéreur selon le droit d’un Etat membre, si ce dernier n’a pas la possibilité de participer aux négociations de ces accords collectifs conclus après la cession d’entreprise. De plus, l’article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne protège la liberté d’entreprendre.

Le Tribunal supérieur du Travail allemand a considéré néanmoins que sa décision était compatible avec le droit européen. Selon le Tribunal supérieur du Travail allemand, la décision de la CJUE est à placer dans le contexte du droit national du Royaume-Uni et ne concernerait donc pas directement l’Allemagne. En Allemagne, il existe la possibilité pour l’acquéreur d’une entreprise de faire appliquer sa grille interne des salaires par le biais d’une procédure de licenciement, ce qui serait une protection suffisante des intérêts des acquéreurs d’entreprises.

Il n’est pas exclu que la décision du Tribunal supérieur du Travail allemand de Berlin-Brandebourg soit ultérieurement cassée. Un pourvoi en cassation à la Cour fédérale du Travail de l’Allemagne (Bundesarbeitsgericht) d’Erfurt a en effet été déposé. La Cour allemande pourrait envisager de poser une question préjudicielle à la CJUE.

Françoise Berton, avocat en droit allemand

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Images: ferkelraggae et spotmatikphoto

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